Reconnaître Jésus juif. Méditation à Tantur, Jérusalem-Bethléem.

Vue sur l’Institut oecuménique de Tantur

Par Daniel Fatzer

Avec mon ami Andraous, frère palestinien chrétien né dans la vieille ville de Jérusalem, j’ai participé le 4 novembre 2025 à une conférence du Rev. Dr Michael Azar, au Centre œcuménique et théologique de Tantur, juste avant l’entrée de Bethléem, à côté du tombeau de Rachel. Théologien universitaire d’origine palestinienne, spécialiste du christianisme palestinien et des premiers siècles, Michael Azar insiste sur le fait que Jésus n’est pas seulement juif de naissance, mais qu’il a vécu, prié, pensé et enseigné comme un juif de son temps.

Revenir au Christ réel

Reconnaître la judaïté de Jésus, explique-t-il, n’est pas une question politique, mais spirituelle. C’est revenir au Christ réel, celui qui s’est incarné dans un peuple, une terre, une langue, une liturgie. Jésus prie au Temple, lit la Torah, célèbre les fêtes juives : c’est dans ce cadre qu’il parle du Royaume de Dieu. Retrouver cette vérité permet de sortir de siècles de malentendus et d’oppositions théologiques. 

Pour les chrétiens palestiniens, parler de la judéité de Jésus n’est pas seulement un exercice académique, c’est un acte de guérison. Cela rétablit une vérité historique et spirituelle fondamentale : notre foi n’est pas une idée venue d’ailleurs, elle est née ici, parmi un peuple, dans une histoire. Dire que Jésus est juif ne supprime pas l’identité palestinienne, cela l’enracine plus profondément. C’est reconnaître que la foi chrétienne palestinienne ne vient pas d’une théologie occidentale importée, mais d’une expérience locale, biblique, incarnée.

Cette reconnaissance empêche aussi une théologie de la substitution, où l’Église, y compris palestinienne, remplacerait Israël. Elle permet de vivre une foi enracinée dans le peuple et les rites d’où Jésus vient. Azar invite à lire l’Écriture avec une conscience sémitique : le langage, la liturgie, les prophètes, les valeurs d’alliance, de mémoire, de justice, de terre et de peuple. Il montre qu’en affirmant la continuité biblique, les chrétiens palestiniens peuvent ouvrir un dialogue non antagoniste avec le judaïsme et l’islam. C’est une théologie qui cherche la justice sans déshumaniser, qui se souvient que la terre n’est pas d’abord un territoire politique, mais le lieu où Dieu rencontre l’humanité.

La foi qui n’arme pas

Pour Michael Azar, quand la foi devient nationaliste, elle cesse d’être évangélique. L’Évangile peut habiter une identité, mais il ne peut pas être capturé par elle. Reconnaître Jésus juif, c’est refuser d’utiliser la foi comme une arme identitaire, et ouvrir un espace de dialogue et de compassion. Les chrétiens palestiniens peuvent alors dire : Jésus appartient à son peuple juif, et ce peuple fait partie de notre histoire aussi. La terre biblique n’est pas un slogan politique, c’est le lieu où Dieu s’est fait chair. Nous cherchons à guérir, non à effacer.

Se souvenir que Jésus est juif, c’est se souvenir que Dieu a choisi cette terre et ce peuple pour se révéler : une grâce, non une menace. L’incarnation a une géographie. Pour les chrétiens palestiniens, honorer la judaïté de Jésus, c’est honorer le Dieu qui s’est approché de tous les hommes. 

Cela ouvre une prière simple, humble, enracinée :

Seigneur Jésus, Fils d’Israël, né de Myrjam, fille de Sion,  tu as sanctifié cette terre par tes pas. 

Ouvre nos cœurs à ton humanité et fais de nous des artisans de paix. 

Pour les enfants de cette terre, juifs, chrétiens, musulmans, Seigneur, écoute-nous.

Pour ceux qui souffrent, qui ont perdu maison, terre, espoir, Seigneur, prends pitié.

Pour que nous ne transformions pas la foi en arme, donne-nous ton Esprit.

Allez en paix, gardant dans votre cœur la mémoire vivante du Christ juif, Dieu fait chair sur cette terre, sauveur de tous!


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